vendredi 30 avril 2021

 Charles-Gabriel-Sébastien Sivert

Baron de l'Espérance


( Louisbourg, 1er décembre 1725 - Versailles, 5 janvier 1791)




La rue de l'Espérance à Saint-Pierre

depuis la rue Amiral Muselier

(Cliché de l’auteur, 12 août 2019)


            Le baron de l'Espérance est un des très rares personnages qui ont marqué l’histoire de l’Archipel à posséder sa rue dans les deux localités [1]. Sa vie et sa carrière sont étroitement liées à celles d’Anne Claire  du Pont de Renon, autre nom de rue de Miquelon, et à celles de Dangeac, son oncle et beau-frère, qui le précéda dans les fonctions de gouverneur des Îles Saint-Pierre et Miquelon. Elles s’inscrivent aussi dans cette période particulièrement troublée de l’histoire de Saint-Pierre et Miquelon au XVIIIe siècle, qui a probablement forgé le caractère des îliens pour les siècles qui ont suivi.



Un peu d’état civil


Charles Gabriel Sébastien de l’Espérance est né à Louisbourg sur l’île Royale (actuelle Île du Cap-Breton) le 1er décembre 1725. Ses parents sont Charles Léopold Eberhard de l’Espérance et Marguerite Dangeac de Merville, qui se sont mariés à Louisbourg le 26 février 1725.

Charles Léopold Eberhard est le fils naturel de Léopold Eberhard, prince de Montbéliard, décédé à Montbéliard le 25 mars 1723. En 1722, il a intégré le régiment suisse de Karrer, en qualité de lieutenant en second. 

Cette unité avait été créée en 1719 par Franz Adam Karrer, un officier français d’origine suisse. En 1721, elle passa sous la tutelle de la Marine pour servir les besoins des colonies. Le régiment comprenait initialement trois compagnies, la première basée à Rochefort, la seconde en Martinique et la troisième à Saint-Domingue. Le colonel à sa tête en était en même temps le propriétaire. [2]

C’est ainsi que le baron de L’Espérance arrive à Louisbourg en 1724 à la tête d’un détachement de 100 hommes qui vient doubler la garnison chargée de fortifier la nouvelle colonie.

Sa mère, Marguerite Dangeac de Merville, est la fille de Gabriel Dangeac, capitaine d'une compagnie dans les troupes du détachement de la marine. 




Le drapeau et l’uniforme du régiment suisse de Karrer

Source: Wikipedia



A sa mort, le 10 novembre 1738, après une carrière militaire sans éclat, Charles Léopold laisse sa famille sans ressources, n’ayant pu prétendre à une part de l’héritage de son père. Celui-ci avait pris quatre soeurs comme concubines; elles eurent un total de 23 enfants, qui porteront tous le nom de L’Espérance, les quatre soeurs ayant été élevées au rang de baronnes sous ce nom. [3]



Le métier des armes


    Charles Gabriel a tout juste 10 ans quand il s’enrôle dans le détachement commandé par son père. En 1742, il est promu enseigne en second. En 1745, il participe à la défense malheureuse de la forteresse et est contraint à l’exil en France. En 1747, il accompagne deux détachements jusqu’aux Antilles. En 1754, il est promu lieutenant dans les troupes de la Marine à l’île Royale, où il va servir sous les ordres de son oncle, le capitaine Gabriel François d’Angeac. A la chute de Louisbourg en 1758, il retourne en France. 


    Entre-temps, le 1er juillet 1755, le baron de L’Espérance, veuf d’une demoiselle Labbé de Bellefeuille [4]  épouse à Rochefort, ville où était basé son régiment, Anne Claire du Pont de Renon, née à Louisbourg vers 1715. Elle est la fille de Michel Du Pont , seigneur de Renon, parfois appelé Du Pont de Saint-Pierre, originaire de Sérignac en Saintonge, et de Marie Anne de Goutin, qu’il a épousée à Port-Dauphin le 26 février 1710. [5]


L’archipel


    Nous sommes en 1763. Le traité de Versailles a mis fin à la guerre de Sept ans. Le roi Louis XV n’a pas attendu sa signature pour nommer le futur gouverneur de la colonie, qui arrive à Saint-Pierre le 15 juin à bord de La Garonne. qui transporte, outre les 50 hommes qui allaient constituer la garnison de l’archipel, des Acadiens venus du pays malouin. Comme l’écrit Emile Sasco dans La Liberté, “Les noms de Dangeac et de l’Espérance pouvaient inspirer confiance aux habitants des colonies perdues, car le gouverneur et son lieutenant étaient l’un et l’autre fils d’officiers de la Nouvelle-France et ils avaient eux-mêmes servi au Canada comme à l’île Royale.” [6] Ce qui explique que dans les mois qui suivirent, de nombreux Acadiens arrivèrent dans l’Archipel, devenu sorte de terre promise. Leurs attentes furent cruellement déçues.



Timbre émis par la Poste de Saint-Pierre et Miquelon en 1992

Maquette de Michel Borotra


        A Dangeac le poste de gouverneur, au baron de l’Espérance, promu capitaine d’infanterie cette même année 1763, le commandement de la compagnie d’infanterie.

    La remise officielle des îles eut lieu à Saint-Pierre le 4 juillet. Le 14, le baron de l’Espérance arrivait à Miquelon à bord du brigantin du roi Le Neptune pour procéder de même et commencer l’établissement. Un détachement d’une vingtaine de soldats  l’accompagnait.

    En arrivant dans l’île soeur, il ne trouve qu’une seule habitation, abandonnée depuis trois ans. Si l’île de Miquelon était jugée en effet “fertile en pâturages", et pouvait “fournir plus de bois que celle de Choiseul [Langlade]”, “la rade de cette île n'est pas tenable par les vents d’est et nord-est ce qui est cause que les Anglais n’y ont jamais eu d’établissements ny de graves pour la pêche…” [7]

On a peine à imaginer que faute de temps et des matériaux de construction en quantité suffisante, le gouverneur Dangeac autorisa la population de l’archipel à aller passer l’hiver dans les îles de Langlade et de Miquelon qui disposaient d’une végétation leur offrant un peu d’abri.

    Tout est donc à faire. Comme en témoigne le baron de l’Espérance: ”J’ai trouvé cette île dépourvue de toute espèce d’habitation. J’ai commencé des bâtiments pour me loger les soldats, un magasin à vivre et un four. J’espère pouvoir nous mettre à couvert avant les grands froids.[8] 

    De son côté, l'aumônier chargé du service du culte dans la grande île qui l’accompagne, s’affaire à l’érection d’une église, qui sera achevée dans l’année. Le père  François-Paul Ardilier la consacrera sous le nom de Notre-Dame-des-Ardilliers, en référence à un sanctuaire de Saumur, l’un des principaux sanctuaires marials au XVIIe siècle, après Chartres et Le Puy en Velay. Bien que ses appointements s’élèvent à 800 livres, il finança lui-même les travaux. [9]

    Miquelon subit plus que Saint-Pierre encore les volte-face de l’Etat vis-à-vis des Acadiens. Il faudra attendre cinq ans pour que la situation se stabilise. Entre-temps, plusieurs centaines d’entre eux avaient quitté l’Archipel, soit pour la Métropole, soit pour la Guyane, où beaucoup moururent. En 1768, sur les 586 rapatriés en France, seuls 322 sont de retour. [10]

    En 1770, le 21 mai, Anne-Claire Dupont de Renon s’éteint à Miquelon. Le baron de l’Espérance est veuf pour la seconde fois.





La tombe d’Anne-Claire Dupont de Renon

dans le cimetière de Miquelon

(Photo Jean-Pierre Detcheverry, juin 1996)

A droite, le sculpteur martiniquais Alex Savy

qui a réalisé des travaux de restauration

en septembre 1994 et juin 1995 


Gouverneur de Saint-Pierre et Miquelon


  

             Quand, âgé de 64 ans, le gouverneur Dangeac est enfin admis à la retraite à compter du 31 mai 1773, Charles-Gabriel Sébastien de l’Espérance lui succède. 

    Deux ans plus tard, désormais colonel et âgé de 50 ans, il épouse, le 27 mars 1775, Jeanne Françoise Rodrigue, elle aussi née à Louisbourg le 23 juillet 1754. Elle est la fille d’Antoine Rodrigue, alors capitaine du port, et de Jeanne Françoise Jacau de Fiedmont.

    Antoine Rodrigue, dont le père était d'origine portugaise, est né à Louisbourg le 17 décembre 1722. Devenu un important négociant de la ville, il a suivi à Saint-Pierre, en 1763, le gouverneur Dangeac et a aussitôt occupé le poste de capitaine du port, tout en développant avec ses enfants la plus grosse pêcherie de l’île située à l’entrée du port dans l’anse qui porte son nom. Il mourra à Port-Louis, dans le Morbihan, le 2 mai 1789. 

    Son épouse, Jeanne-Françoise Jacau de Frémont, née à Port Dauphin (Île du Cap-Breton) en 1726, était la fille d’un maître canonnier. 

    Jeanne Françoise, la troisième des huit enfants du couple, devenait par son mariage avec le baron de l’Espérance, baronne d’Empire. Elle lui donna rapidement une fille, Jeanne Rose Marguerite. [11]




Lavage des morues dans l’anse à Rodrigue

(Collection Dr Dhoste)


     L’archipel compte alors approximativement 2000 habitants permanents; sa population peut augmenter d’un millier d’hommes pendant la saison de pêche. les bonnes années.

La garnison est forte d’une trentaine de soldats et sous-officiers et de deux ou trois officiers, qui rendent aussi la justice, tandis que les missionnaires font office de notaire. Les fonctionnaires étaient très peu nombreux et mal payés. L’État entretient par ailleurs deux boulangers et une sage-femme.

Le baron de l’Espérance veillait à entretenir de bonnes relations avec les Anglais. Un accord passé en 1776 avec le gouverneur de Terre-Neuve, l’amiral John Montaigu, autorisait les habitants de l’archipel à venir s’approvisionner en bois dans la grande île et à pêcher dans le détroit séparant les deux territoires.

    La même année, hélas, les relations commerciales entre Saint-Pierre et la Nouvelle-Angleterre furent interrompues et, en 1778, le soutien apporté par la France aux insurgés eut pour conséquence l’intervention d’une escadre britannique forte de cinq navires et de 142 canons le 14 septembre 1778, qui contraignit le gouverneur de L’Espérance à se rendre, ne disposant que d’une cinquantaine de soldats et d’une demi-douzaine de canons. Le lendemain, 200 hommes descendaient à terre et hissaient le drapeau britannique.



Un nouvel exil


    Début novembre, le gouverneur déchu rejoignait Lorient après une traversée de 31 jours, accompagné de 900 habitants. Le reste des réfugiés se repartit entre les ports de Nantes, La Rochelle, Rochefort, Cherbourg et Saint-Malo. L’archipel, vidé de sa population, fut entièrement brûlé et resta, dès lors, inhabité.

    Nombre des réfugiés avaient déjà connu l’exil et perdu tous leurs biens, et malgré les aides apportées par le gouvernement, beaucoup ne survécurent pas. Marins, beaucoup embarquèrent sur les bateaux de pêche ou s’illustrèrent dans la guerre de course comme Pierre-Jean Dupont ou Jacques Debon. 

    De l’Espérance, qui bénéficiait d’une pension de 4000 livres, envisagea de s’établir en Alsace, où il avait de la famille.



Un nouveau retour


    Avec la signature, en 1783, du Traité de Paris, qui mettait fin à la Guerre d’Indépendance américaine, les exilés purent revenir dans l’archipel en 1783 et 1784. Le baron de l’Espérance retrouva son poste de gouverneur avec un traitement porté de 10 000 à 15 000 livres, et les navires de pêche, notamment de Granville revinrent pêcher sur les bancs de Terre-Neuve.

    La garnison était passée à 88 hommes, dont 60 à Saint-Pierre et 28 à Miquelon. En 1784, le baron de l’Espérance était promu général de brigade de l’infanterie de ligne.

    L’Etat encouragea la réinstallation des pêcheurs dans les îles en promettant de subvenir à leur alimentation et de leur fournir du matériel de pêche et des avances sur les matériaux de construction jusqu’à un an et demi. Les habitants furent autorisés à aller couper du bois à Terre-Neuve et même à se fournir en charbon de tourbe au Cap-Breton. Un an après la rétrocession, la population s’élevait à 1200 habitants, dont la moitié de pêcheurs. 



Mission, changement de statut et départ


    Le baron de l’Espérance, ambitionnant de faire de l’archipel une importante place militaire, demandait toujours plus d’argent et de troupes, au point de déclencher, en août 1784, une mission d’inspection composée de trois officiers ingénieurs des fortifications,  avec à sa tête le brigadier d’infanterie M. de Carpilhet, [12] qui sera fatale aux rêves du baron de l’Espérance. L’archipel fut réduit à “l’état de simples pêcheries” et l’État maintint une fonction publique réduite et une garnison d’une soixantaine d’hommes, avec à leur tête un simple capitaine d’infanterie recevant ses ordre du commandant de la  station navale envoyée chaque année pour assurer la protection des pêcheurs français. C’est ainsi qu’ Antoine-Nicolas Dansdade, dit Danseville, prit le commandement de l’archipel. Ce régime, qui visait essentiellement à réaliser des économies, dura jusqu’en 1792.

    Le baron de l’Espérance était informé de ces nouvelles dispositions dès le 13 mars 1785 et s’y soumettait. Le 19 juin, il embarquait à bord du bâtiment Les deux chéries de Bordeaux pour rejoindre la France.

    Promu maréchal de camp en 1788, il prit sa retraite en avril 1789. Il est décédé à Versailles le 5 janvier 1791.


 


La rue de l’Espérance depuis le croisement avec la rue Beaussant

(Cliché de l’auteur, 29 novembre 2020)




La rue de l’Espérance dans sa partie Nord

(Cliché de l’auteur, 12 février 2017)




    Michel Le Carduner


                                Janvier 2021


Notes


  1. avec Ernest Petitpas

  2. Régiment de Karrer, Wikipedia, https//en.wikipedia.org/wiki/Régiment_de_Karrer

  3. Louise Dechêne, Dictionnaire biographique du Canada, Volume II (1701-1740), Université Laval/Université de Toronto, 2003.

http://www.biographi.ca/fr/bio/l_esperance_charles_leopold_eberard_de_2F.html

  1. Seule mention par Emile Sasco, La Liberté, N° 23, 7 juillet 1942, page 7.

  2. Bernard Pothier, Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval / University of Toronto, 2003

http://www.biographi.ca/fr/bio/du_pont_de_renon_michel_2F.html.

  1. Emile Sasco, La Liberté, N° 23, 7 juillet 1942, page 7.

https://issuu.com/larche975/docs/1942-07-07?fr=sODQ1MDExNDM4OA

  1. Jean-Yves Ribault, Les îles Saint-Pierre et Miquelon (des origines à 1814), Saint-Pierre, Imprimerie du Gouvernement, 1968, pp. 49-50.

  2. ANOM, COL. E5.

  3. Francis A. Boddart, Les tribulations de l’abbé François-Paul Ardilier, aumônier du roi aux îles Saint-Pierre-et-Miquelon, agriculteur émérite en Périgord, Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, Tome CXL, année 2013, p. 33.

  4. Andrée Lebailly, Jean-Jacques Oliviero, 2015,  Saint-Pierre et Miquelon, Histoire de  l’archipel et de sa population, pp. 87-88.

  5. Jean-Yves Ribault, Histoire des îles Saint-Pierre et Miquelon (La vie de l’Archipel sous l’Ancien Régime), Saint-Pierre, Imprimerie du Gouvernement, 1962, pp. 36-39

  6. Une rue de Saint-Pierre a porté son nom jusqu’en 1971, pour devenir la rue Émile Sasco (arrêté n° 264 du 12 mars 1971)






jeudi 29 avril 2021

 Léon Leborgne

( Saint-Pierre, 19 avril 1887 – Perthes-lès-Hurlus, 26 février 1915)




Prêt Borotra-Pichon



Un peu d'état civil


Léon Maurice Alfred Leborgne est né à Saint-Pierre le 19 avril 1887. Son père, Edouard Joseph, était né à Miquelon le 7 juillet 1862. Il est marin pêcheur. Sa mère, Eugénie Jeanne Marie Pichon, est née à Saint-Pierre le 26 février 1865. C'est là qu'ils se marient le 10 août 1885. Le couple aura trois enfants: Marie Joséphine en 1885, Léon en 1887, et Maurice Edouard en 1889.

Les grands-parents paternels sont Alexis Louis Leborgne, originaire de Miquelon, et Joséphine Marie Le Roux, une Brestoise. Du côté maternel, Jean-Marie Pichon vient de Plerguer en Ille et Vilaine et son épouse Victorine Domitille Daguerre est née aux Îles de la Madeleine en 1835.

Du côté paternel, l'arrière-arrière-grand-père, Alexis Poirier, né à La Rochelle le 28 décembre 1781, était à bord de la flûte du Roi La Caravane, qui quitta Brest le 24 avril 1816, pour revenir s'établir dans l'archipel, redevenu français par le Traité de Paris du 30 mai 1814. Il était accompagné de sa mère, Marguerite, 60 ans, de ses deux soeurs Geneviève (24 ans) et Eugénie Marguerite (21 ans), ainsi que de son épouse Marguerite (27 ans) et de leur nouveau-né, Eugénie-Marguerite, âgée de seulement deux mois. [1] [2] Le père de Marguerite, Michel Leborgne, dit "La Vieille", natif de Port-Toulouse sur l'île du Cap Breton en Nouvelle-Écosse, était mort en détention à Plymouth en Angleterre vers 1802. Un autre Saint-Pierrais, corsaire du roi, connut aussi les geôles anglaises: Jacques De Bon. Et ce à plusieurs reprises.



Source: Michel Poirier [3]


Léon Leborgne a tout juste six ans et demi quand il perd son père, le 17 novembre 1893, qui décède à bord de la goélette Florence. [4]

Il semble qu'il ait vécu un temps chez sa grand-mère maternelle, Victoire Daguerre , originaire des Îles de la  Madeleine, veuve elle aussi, rue Fayolle. [5] [6] Il vit de nouveau avec sa mère, employée de maison, qui loue d'abord chez la veuve Lafourcade, rue Granville, puis rue Boursaint. [7]

La famille a semble-t-il émigré au Québec par la suite, car c'est à Montréal qu'il embarque sur le paquebot transatlantique Chicago, à bord duquel il retrouve le contingent saint-pierrais mobilisé pour la Première Guerre mondiale. 

A la veille du conflit, l'archipel est dans une situation économique critique; l'armement local ne compte plus que vingt-quatre goélettes en 1914. Et si plus d'un millier de Saint-Pierrais partit pour le front, dès mai 1915, le gouverneur de l'archipel obtint le retour dans leur foyer de tous les hommes de plus de 35 ans, afin d'éviter une hémorragie de la population. [8]

Incorporé au 102e Régiment d'Infanterie, basé à Chartres et Paris au moment de la mobilisation en août 1914, Léon Leborgne va trouver la mort le 25 février 1915 à Perthes-lès-Hurlus, dans la Marne, lors de féroces combats, obtenant ainsi le triste privilège d'être la première victime saint-pierraise de ce conflit. Il n'avait pas encore 28 ans. 

Perthes-lès-Hurlus, tout comme le village voisin de Souain, avec lequel il fusionnera en 1950, furent entièrement ravagés lors des campagnes de Champagne et recevront la Croix de guerre 1914-1918 le 20 septembre 1920. Le village de Souain fut au coeur de la seconde bataille de Champagne, en septembre et octobre 1915, qui fit 138 576 victimes en 14 jours de combat, dont huit soldats de l'Archipel dans la seule journée du 25 septembre. [9]  Le lendemain de la mort de Léon Leborgne, c'est le jeune Paul Daygrand, fils d'un armateur de Saint-Pierre retourné en France en 1911, qui tombe à son tour. [10] A l'issue du conflit, sur le millier d'insulaires partis combattre, on dénombra 110 morts.




Souain en 1915

Source: Wikipedia


Il fallut attendre mai 1931 pour qu'une rue de Saint-Pierre porte le nom de Léon Leborgne. Pour cela, on débaptisa la rue de la Poudrière. Mais en septembre 1974, le conseil municipal faisait le choix de débaptiser la rue Léon Leborgne pour la renommer rue Marcel Bonin. Ce n'est qu'en 1982 que le nom de Léon Leborgne fut de nouveau donné à une voie de Saint-Pierre. Celle-ci se situe non loin de l'étang Hérault et relie la rue d'Alsace à la rue de la Résistance.




La rue Léon Leborgne

(Clichée de l’auteur, 3 décembre 2020)




                        Michel Le Carduner

   

                                                                                                                              avril 2021




Notes


  1. Michel Poirier, Les Acadiens aux îles Saint-Pierre et Miquelon 1758-1828, Moncton, N.-B., Les Éditions d'Acadie, 1984, pp. 458-462.

  2. Andrée Lebailly, Saint-Pierre et Miquelon Histoire de l'archipel et de sa population, Saint-Pierre et Miquelon, Atelier JJO, 2015, pp. 111-119.

  3. Michel Poirier, op. cit. , page 464.

  4. Musée de l'Arche, https://www.arche-musee-et-archives.net/fr/105-genealogie.html#/detail/20873I 

  5. Rue Georges Daguerre depuis 1963; portait le nom d'un administrateur de la colonie de 1819 à 1825.

  6. Recensement, 29 novembre 1897, SC 3426

  7. Recensement , 29 novembre 1902, SC 8866

  8. André-Louis Sanguin, Saint-Pierre et Miquelon département français d'Amérique du Nord, Poitiers, Norois, 1983, p. 18.

  9. Andrée Lebailly, op. cit. , pp. 147-148.

  10. Voir Echo des caps n° 1409 vendredi 29 mai 2015, pp. 10-12 et Écho des caps n° 1411 du 12 juin 2015, pp. 12-14.

 Rue du Petit chemin de fer  Cliché de l'auteur La France a, on le sait, délaissé depuis des décennies le transport de marchandises...