vendredi 9 avril 2021

 Max Leban

(29 mai 1909- 2 décembre 1943)



Un peu d'état civil


Max Jacques Lucien Emile Leban est né le 29 mai 1909 à Saint-Pierre. Son père, Lucien Georges Paul, était lui aussi né dans l'archipel le 1er octobre 1883. Il avait épousé à Granville, le 11 janvier 1908, une Granvillaise, Jeanne Alexandrine Marie Régnard, née dans cette ville le 24 juillet 1888.

Les grands-parents, côté paternel comme maternel, étaient nés en Métropole. Le père de Lucien, Sévère Jacques, était né à Yquelon dans la Manche ; le père de Jeanne Alexandrine, Jacques Régnard, était né quant a lui à Granville le 3 juin 1848. [1]

Lucien Leban tenait un commerce rue Sadi-Carnot ( actuelle rue Amiral Muselier), créé par son père Sévère Jacques, que sa veuve Marie, née Duquesnel, avait repris (d'où probablement le J. Leban sur la photographie de 1908).



Le commerce Leban rue Sadi-Carnot (rue Amiral Muselier)

    D'après le recensement de la population du 5 mars 1911, la famille Leban résidait dans cette rue. Des cinq enfants que sa grand-mère paternelle avait mis au monde, seuls deux étaient encore en vie en 1911 : Lucien, le père de Max, et Emilien, son oncle. Ce dernier, né à Saint-Pierre, était également commerçant et lié par mariage à la famille Lavissière, qui possédait également un commerce. [2]


Le commerce Lavissière 

(emplacement du commerce Blin et actuel local du syndicat F.O.)


Ruiné par la guerre, Lucien Leban rentre en Métropole, exploite quelque temps une ferme à Saint-Aubin des Préaux dans la Manche, avant de s'installer à New York, où il sera sous-directeur de la Chocolaterie Meunier. [3]


Le service militaire

Max Leban vivra donc aux Etats-Unis jusqu'en octobre 1929. Il revient alors à Granville pour s'engager dans l'Infanterie. Il est admis à l'Ecole militaire d'infanterie  Saint-Maixent et des chars de combat. A l'issue des deux années de formation, il devient sous-officier avec le grade de sergent-chef. 


Max Leban en 1939-1940

Source: memoiredeguerre.free.fr

En justes noces


Libéré de ses obligations militaires, Max Leban épouse Emilienne Théberge le 29 mars 1932 à Saint-Malo. Emilienne est née à Saint-Pierre le 27 août 1908. Elle décédera à Saint-Malo le 1er mai 1978. Le jeune couple s'installe alors à Paris et dirige une blanchisserie. Leur première fille, Jacqueline, née en décembre 1932, meurt à l'âge d'un mois.

Le couple quitte Paris pour Paramé (Ille-et-Vilaine) où naîtront leurs quatre autres enfants. D'abord à l'emploi de la Compagnie Centrale d'éclairage par le gaz Lebon (actuelle EDF), il se met à son compte comme agent immobilier vers 1935.


Seconde Guerre mondiale et Résistance

A la déclaration de guerre, Max Leban est mobilisé et affecté, le 10 novembre 1939, au Centre d'instruction à la Mission française de liaison auprès de l'Armée britannique. Muté ensuite dans un dépôt du Train, il est démobilisé le 23 juillet 1940.

Max Leban retrouve son agence immobilière, mais entre très rapidement dans la Résistance, tout d'abord dans le réseau Johnny, qui sera rapidement démantelé, car dirigé depuis Brest.

A compter d'août 1941, il devient l'un des membres actifs du réseau Jade-Fitzroy, dont la mission consistait à surveiller les mouvements des navires de la marine de guerre allemande dans le port de Saint-Malo et à transmettre les renseignements collectés à Londres. Ce sont plus de vingt navires allemands qui furent coulés à leur départ de Saint-Malo grâce aux informations ainsi fournies.

Le 7 mars 1943, Max Leban est arrêté par la Gestapo à Saint-Malo, en compagnie d'Arthur Lambert, dit Vlado.

D'abord incarcéré à la prison Jacques Cartier de Rennes, il est transféré le 24 octobre à  Fresnes. Torturé,  il est jugé le 16 novembre 1943 et condamné à mort par le tribunal militaire allemand de la Kommandantur du Gross Paris.

Le 2 décembre 1943, il est fusillé au Mont Valérien en compagnie de six autres malouins membres du réseau Jade-Fitzroy et de quatre Polonais. Il avait 34 ans. Son corps sera restitué à sa famille le 18 janvier 1950. Parmi les autres membres du réseau malouin figurait Léon Humbert, né à Biarritz le 23 août 1891, dont les parents, Joseph Marie Jean-Baptiste et Gabrielle Lamusse, s'étaient mariés à Saint-Pierre et Miquelon le 4 septembre 1884. [4]

Grâce à l'abbé Franz Stock, aumônier des prisons parisiennes durant la Seconde Guerre mondiale, qui assista notamment les condamnés à mort au Mont Valérien, sa veuve récupérera sa trousse de toilette, dans laquelle était dissimulé un message sur papier à cigarette précisant l'identité de celui qui avait dénoncé le réseau. 

L'esplanade devant le Mémorial de la France combattante au Mont Valérien de Suresnes porte d'ailleurs le nom de l'abbé Stock, décédé subitement à Paris le 24 février 1948 et inhumé à Chartres dans l'église Saint-Jean-Baptiste de Rechèvres. [5]


Mémorial de la France combattante du Mont Valérien à Suresnes

( Cliché de l'auteur, mars 2017 )


Les témoignages de reconnaissance


A titre posthume, Max Leban recevra une citation à l'ordre de l'Armée et une citation à l'ordre du Corps d'Armée portant attribution de la Croix de guerre avec palme et étoile de vermeil.

Par décret du 9 janvier 1986, il a reçu la Médaille de la Résistance.

Son nom est aussi inscrit sur le monument commémoratif, dit La Cloche du Mont Valérien, dédié aux résistants et aux otages fusillés par les Allemands au Mont Valérien entre 1941 et 1943.

 


La Cloche du Mont Valérien

Collection privée


Par délibération en date du 15 décembre 1986, le conseil municipal de Saint-Malo a décidé de donner le nom de Max Leban à une allée de la cité. La cérémonie a eu lieu le 18 juin 1987.

Saint-Pierre, sa ville natale, suivra de peu. Par arrêté du 13 novembre, la rue du Réservoir porterait désormais le nom de rue Max Leban. Le baptême eut lieu le 11 novembre 1987 en présence de son frère, venu de Floride pour l'occasion et de son fils Lucien, établi à Saint-Malo, accompagnés de leurs familles respectives. Orientée nord-sud, elle relie la rue de la Fauvette à la rue de Paris non loin de l'étang du Pain de Sucre. [6]



La rue Max Leban en direction du Pain de Sucre.

Cliché de l'auteur ( mars 2019)

                      


                                                                                                                Michel Le Carduner

                                                                                                                         Juin 2020


Notes

[1] Archives de la Collectivité territoriale, Recensements de la population.

[2] Geneanet.org

[3] Mémorial des victimes de la guerre 1939-1945 à Saint-Malo.

[4] La Liberté, 30 décembre 1944, no 22, pages 5-6.

[5] Wikipedia, article Franz Stock

[6]  L'Écho des caps, n° 262, vendredi 30 octobre 1987, pp. 6-8, et n° 264, 13 novembre 1987, pp. 1-2.

Allocution de monsieur Albert Pen, maire de Saint-Pierre, lors du baptême de la rue Max Leban


                                                                                                 



Documents complémentaires


Document I

Extrait de la lettre écrite par Max Leban à son épouse Emilienne

avant d'être fusillé le 2 décembre 1943


Fresnes, le 2 décembre 1943,


Ma bien tendre aimée Mimie,

Mes chers petits enfants,


Hier j'ai eu le bonheur ma chérie de te voir la dernière fois. Il faut avoir du courage, beaucoup de courage car ton petit homme qui t'a tant aimée avec ses enfants va donner sa vie pour que vive la France. Ce matin à 9 heures je serai allé rendre compte au Bon Dieu de ma vie et je suis certain qu'il sera clément..

Dans un moment je vais avec mes camarades assister à la sainte messe et communier. Il faudra remercier tous ceux qui ont été bons pour moi et pardonner à tous ceux qui m'ont fait du mal. Je viens ma chérie à l'instant de recevoir l'absolution et je pars le coeur tranquille dans une vie meilleure où je vais rejoindre ma petite Jacqueline, mon papa, ma maman, ma bonne maman et tous les miens. Tu me rejoindras un jour là haut au ciel près du Bon Dieu et nous serons à nouveau heureux. Jusqu'à ce temps sois bonne chrétienne élève chrétiennement mon petit Jacky, ma Jacqueline, mon petit Lulu et mon petit Michel que j'embrasse bien tendrement. Fais en de bons Français et confies toi comme moi à la Divine Providence dont les desseins sont impénétrables.

Après la guerre, demande à mon frère Jacques de te donner quelque chose sur l'héritage de maman, ce sera un acte de justice de sa part.

Tout ce que j'ai t'appartient mais je voudrais que Jacky quand il sera homme ait ma bague que ton père détient et Jacqueline le piano. Pour le reste fais au mieux de tes intérêts. Remercie bien Monsieur et Madame Sommier de toutes leurs gentillesses et dis leur que je les considère comme de la famille. Je voudrais que les enfants les considèrent comme leur oncle et tante.

Les enfants après la guerre seront pupilles de la nation et tu auras moins de mal pour les élever.

Adieu à tous, à papa, maman, cousine Jacqueline, l'oncle Costard et à sa famille. Adieu mes petits enfants soyez bons pour votre maman qui vous aime tant. Adieu Mimie chérie, toi qui m'a donné tant de joie, nous nous reverrons bientôt au ciel. Reçois les derniers baisers et la bénédiction de celui qui t'a tant aimée.

Adieu à tous, VIVE LA FRANCE 


Max Leban


Document II

Extrait de la page 142 de l'Aumonier de l'enfer, 

inspiré à René Closset par les notes de l'aumônier Franz Stock


Jeudi 2 décembre 1943

Marcel C., mort avec onze camarades, mains jointes et chapelet. Max L. « Je pardonne à tous mes ennemis sans exception. » Il m'a servi la messe et a récité à haute voix les prières en alternance avec Marcel C.. Arthur L., 22 ans, a donné la moitié de son héritage à Mme Max L., qui reste veuve avec quatre enfants. Jean J. : "Je suis mort courageusement sans haine pour personne ". Tous les onze moururent avec vaillance, paisiblement, en priant. »





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