Pierre Perrin
(Saint-Pierre, 8 février 1921 - En mer, 8 février 1942)
La rue Pierre Perrin
Cliché de l'auteur (9 avril 2021)
Pierre Marie Gaston est né à Saint-Pierre le 8 février 1921. Ses parents, Louis Francis Marie Perrin et Anne Marie Célestine Allanou sont originaires tous les deux des Côtes d'Armor. Son père est né à Pommerit le Vicomte le 19 avril 1876. Il décédera à Saint-Pierre le 2 février 1926, alors que Pierre n'a pas encore atteint cinq ans. Sa mère est née à Kerfot le 22 juin 1884. Elle s'éteindra à Saint-Pierre le 3 avril 1948. Louis Francis et Anne Marie se sont mariés dans l'île le 21 octobre 1909.
Louis Francis a participé à la Première Guerre mondiale et quitté l'archipel avec le contingent saint-pierrais sur le transatlantique Chicago. Au printemps 1917, il bénéficia d'une permission de 25 jours, comme 48 de ses compatriotes, et rejoignit l'archipel, depuis Saint-Malo à bord de la Servannaise.
Les premiers "évadés"
Pierre Perrin est un des tout premiers "évadés". Comme une quarantaine d'autres jeunes compatriotes, répondant à l'appel à résister du général de Gaulle et en réaction à la signature de l'armistice le 22 juin 1940, il a quitté clandestinement l'archipel dès 1940 pour rejoindre Terre-Neuve puis l'Angleterre. A l'issue du référendum sur le ralliement à la France Libre le 25 décembre 1941, une autre vague de départs pour combattre en Europe aura lieu. Dix d'entre eux embarquèrent aussitôt sur l'Alysse, en remplacement des marins restant à Saint-Pierre pour organiser une base navale.
Escale de l'Alysse à Saint-Jean de Terre-Neuve, juin 1941
Les derniers évadés saint-pierrais en route pour l'Angleterre
Coll. Eugène Théault, site de SPM Première
Les FNFL s'organisent
De l'autre côté de l'Atlantique, le 29 juin 1940, l'amiral Muselier a rejoint Londres en hydravion depuis Gibraltar où il vient de créer un embryon de commandement et a nommé à sa tête le commandant d'aviation Pijeaud. Le lendemain, il rencontre le général de Gaulle qui lui confie, dès le 1er juillet 1940, le "commandement des forces maritimes françaises restées libres, quelles qu'elles soient, et quel que soit l'endroit où elles se trouvent."L'amiral Muselier adopte aussitôt la croix de Lorraine comme signe distinctif, en hommage à son père, qui était lorrain.
Le premier défi de l'amiral Muselier fut celui de la formation, dans les multiples spécialités que compte la marine de guerre (artillerie, torpilles, radio, timonerie, détection sous-marine, etc.) de tous les engagés volontaires, pour la plupart novices et inexpérimentés. Ceux-ci suivaient d'abord une instruction avant d'être envoyés dans des écoles de spécialité britanniques. Quand aux officiers, l'amiral Muselier mit en place une véritable École navale d'où sortirent chaque année 75 midships. (2)
C'est à Plymouth que Pierre Perrin suivra le cours d'asdic. (3)
La formation de base des équipages des corvettes s'effectuait à Tobermary, un petit port situé à l'extrémité nord de l'île de Mull, dans l'archipel des Hébrides. Ce sont trois semaines d'un entraînement intensif à la mer, au mouillage ou à terre sous la direction de l'intraitable commodore Gilbert Stephenson.
L'entraînement des équipages achevé, les corvettes sont dirigées sur Greenock, la grande base navale britannique à l'entrée de la Clyde, à une vingtaine de kilomètres de Glasgow. Ce sera la base principale des escorteurs FNFL durant toute la durée de la guerre.
L'énergie déployée par l'amiral Muselier et son efficacité lui gagnèrent la confiance et l'admiration de l'Amirauté britannique, qui confièrent aux Forces Navales Française Libres six corvettes neuves, au printemps 1941, affectées à la protection des convois dans l'Atlantique nord. Dès 1939 en effet, un convoi hebdomadaire traversait l'Atlantique dans chaque sens pour relier les ports de Halifax ou de New York et l'Angleterre. Si les pertes furent considérables, tant humaines que matérielles, la bataille de l'Atlantique fut capitale pour soutenir la lutte en Europe. Ainsi, à la mi-mars 1941, deux sous-marins allemands coulèrent en deux jours seize bateaux partis de Halifax au large de Saint-Jean de Terre-Neuve. En mai comme en juin de cette année, 300 000 tonnes furent envoyées par le fond. (4) De ce fait, trois bases d'escorteurs furent créées, dont une dans la capitale terre-neuvienne où furent affectées l'Alysse, le Mimosa et l'Aconit.
Les FNFL à Saint-Pierre
C'est le 23 novembre que sous le prétexte d'une mission d'inspection des corvettes des FNFL, l'amiral Muselier quittait Londres en compagnie de son aide de camp Alain Savary et de son premier sous-chef d'état-major, le capitaine de frégate Louis de Villefosse.Ils appareillaient le lendemain de Greenock sur la Lobélia, puis passaient sur le Mimosa à Hvalfjord en Islande. Le 8 décembre, les deux corvettes se retrouvaient l'Alysse dans le port de Saint-Jean de Terre-Neuve. A ces retrouvailles s'ajoutait, cette fois dans le port de Halifax, le croiseur sous-marin Surcouf. Le 15, l'amiral Muselier se rendait à Ottawa pour exposer aux Canadiens l'urgence d'agir, face à la menace toujours plus grande de la présence des sous-marins allemands au large de l'Archipel et également de convaincre les Américains. En vain.
De retour à Halifax, les bâtiments français prennent la mer le 23 décembre en simulant jusqu'au bout des maneouvres. Mais c'est en rade de Saint-Pierre que la flottille se retrouva à l'aube du 24 décembre. Le jour même, l'Alysse, commandée par le lieutenant de vaisseau pépin-Lehalleur, était dépêchée à Miquelon pour le ralliement de l'île soeur à la France Libre. (5)
L'Alysse en rade de Miquelon (6)
Dès le 26 décembre, l'Alysse, sur laquelle avait embarqué sept engagés volontaires en remplacement des hommes d'équipage restés à Saint-Pierre pour en organiser la défense, reprenait la mer.
Un mois plus tard, le 26 janvier 1942, l'Alysse quittait (Écosse) pour Londonderry (Irlande du Nord). Deux jours plus tard, elle appareillait pour escorter, de concert avec cinq autres corvettes, canadiennes et anglaises, le convoi ONS 60 (7) à destination de Halifax. Le 8 février, à moins de 400 milles nautiques de la côte est de Terre-Neuve, son avant est frappé par une torpille. On dénombrera trente-six victimes, dont trente-cinq quartiers-maîtres et matelots ainsi que l'officier de liaison. Sur ce nombre, cinq Saint-Pierrais: Pierre Perrin, Joseph Vigneau, Jean Boudreau, Pierre Walsh et René Lemaine. Le commandant Pépin-Lehalleur a l'épaule fracturée. La corvette Moose Jaw recueillit 21 rescapés et l'Hepatica treize autres. Les tentatives répétées de remorquage se soldèrent par la perte du bâtiment qui sombra deux jours plus tard.
L'Alysse touchée (8)
Le 21 février, les trente-quatre survivants de l'Alysse rejoignaient Saint-Pierre sur le Mimosa, exception faite de son commandant, toujours hospitalisé à Saint-Jean de Terre-Neuve. Deux étaient Saint-Pierrais: Eugène Lepape et Jean Poirier.
Le lendemain 22, une cérémonie avait lieu au monument aux morts, lors de laquelle le capitaine de frégate Louis de Villefosse, le commandant militaire de Saint-Pierre, remettait la Croix de guerre aux mères et à une veuve des disparus.
Dès le 2 mars 1942, l'Administrateur du Territoire, Alain Savary, prenait un arrêté donnant au quai de l'ancienne Douane, le nom de Quai de l'Alysse.
Il faudra ensuite attendre 1996 pour que le nom de Pierre Perrin soit donné à une rue du lotissement Briand. Le souvenir de l'Alysse a aussi été rappelé en 2003 avec l'attribution du nom de son commandant, Jacques Pépin-Lehalleur, décédé en 2000, à une rue du lotissement du Cap noir. Un timbre lui avait été consacré en 2001.
De dos, le capitaine de corvette de Villefosse
De gauche à droite: Mmes Boudreau, Perrin, Walsh,
Vigneau et Lemaine (10)
Michel Le Carduner
mars 2021
Notes
(1) Arrêté n° 119 du 21 août 1996: " La rue prenant naissance rue Georges Messanot et aboutissant à la parcelle 182 section A1 du lotissement Briand portera le nom de Rue Pierre Perrin."
(2) Louis de Villefosse, Les îles de la liberté, Paris, Éditions Albin Michel, 1972, pp. 66-67.
(3) L'asdic (acronyme pour Allied Submarine Detection Investigation Committee), est un système mis au point par les spécialistes britanniques pour détecter les sous-marins en plongée.
(4) Louis de Villefosse, op. cit., pp. 111-112.
(5) ibidem, pp.111-142.
(6) Source: Facebook, Retrouver tous documents sur Saint-Pierre et Miquelon, Publication Catherine Pen, 12 avril 2015.
(7) code des convois lents traversant l'Atlantique dans le sens Europe-Amérique.
(8) Source: Facebook, Retrouver tous documents sur Saint-Pierre et Miquelon, Publication Sylvain Blais, 8 février 2019.
(9) Archives de Saint-Pierre et Miquelon
(10) Source: Facebook, Retrouver tous documents sur Saint-Pierre et Miquelon, Publication André Lafargue, 27 décembre 2015.
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