dimanche 23 mai 2021

 Paul-Aristide Mazier

( Saint-Pierre, 2 décembre 1851 – Paris, 13 décembre 1912 )

Tel père tel fils ou D'un Mazier l'autre


Paul Mazier, ceint de l'écharpe tricolore de maire 

et arborant sa Légion d'honneur 

Collection Jean-Louis Légasse

Quand, le 23 mai 1953, le conseil municipal de Saint-Pierre décidait de débaptiser la rue Délécluse pour lui donner le nom de Gloanec, sans précision du prénom, c'était pour rendre hommage à la fois à François Louis Gloanec pour les "nombreux actes de courage et de dévouement durant son séjour à Saint-Pierre de 1860 à 1880" et perpétuer "la mémoire d'Emile Gloanec, son fils, pour les nombreux services rendus par ce dernier qui fut maire de Saint-Pierre de 1924 à 1936." [1]

On aurait pu procéder de même quand, en 1931, par arrêté du 11 mai, la rue Neuve devenait la rue Paul Mazier. Elle aurait fort bien pu s'appeler simplement rue Mazier, honorant ainsi François-Jacques, le père, et Paul-Aristide, le fils, unis par le commerce et l'engagement politique local.



La rue Neuve

(Collection Jean-Louis Légasse)


Un peu d'état civil

Paul-Aristide Mazier est né à Saint-Pierre le 2 décembre 1851, l'aîné de quatre enfants. Viendront après lui Louis Constant, le 11 mars 1853,Virginie Caroline, le 2 octobre 1855, et Caroline-Marie le 2 novembre 1859, qui décédera la même année .

Leur père, François-Jacques, est né le 26 avril 1822 à Roz-sur-Couesnon en Ille et Vilaine et est arrivé dans l'archipel en 1844-45 en qualité de commis négociant pour une maison malouine. Sa mère est Caroline-Euphémie Dagort, née à Saint-Pierre le 15 février 1832. La famille Dagort est établie dans l'archipel depuis plusieurs générations. Le père de Caroline, Louis Laurent, est boulanger, comme son père avant lui. Caroline-Euphémie mourra le 7 mai 1876, à seulement 44 ans.


François-Jacques: le père

Au milieu des années 1860, François-Jacques, dont le père était agriculteur, est déjà un négociant armateur bien établi dans l'île. La trace de son aisance financière est encore bien visible de nos jours place du Général de Gaulle. En 1862 en effet, François-Jacques Mazier acquerrait un terrain à l'angle des rues Bisson et Saint-Louis ( rues Me Georges Lefèvre et Pierre L'Espagnol actuelles) sur lequel il faisait construire un bâtiment en brique abritant un commerce et un logement. Par le jeu des successions et des transactions, transformé et agrandi, l'édifice abrite aujourd'hui La Maison du cadeau et , depuis 2003, le Musée Héritage. [2] 


Collection Jean-Louis Légasse [3]

François-Jacques Mazier  était très impliqué dans la vie locale. Pour preuve: trésorier du Bureau de bienfaisance (1865), capitaine de la milice (1865), membre de la Commission sanitaire (1865), vice-consul d'Espagne (1867), membre du Conseil d'administration (1871), membre de la commission chargée de la répartition de l'impôt et du classement des patentes (1866-1871), Président des premières élections de la Chambre de commerce (1871), Président de la Commission chargée de faire le recensement de la population (1872). [4] 

A compter du 7 mai 1873, il devient le troisième maire de Saint-Pierre, après les démissions successives de Victor Cordon et Désiré Brindejonc et la dissolution du conseil municipal issu des élections des 3 et 10 novembre 1872. Dès le 27 juillet 1874, la Mairie s'installe rue de l'Hôpital,  dans l'édifice qu'elle occupe encore aujourd'hui. Maison d'habitation acquise quelques mois plus tôt, elle fait l'objet de transformations exécutées `"par des  artisans locaux, des disciplinaires et même des prisonniers." Le maire règle souvent sur ses propres deniers les factures dont le règlement est exigible à la livraison. [5]


Source: Collection Dr Dhoste


D'abord désigné par le Commandant, François Mazier sera reconduit dans ses fonctions lors des élections municipales du 7 novembre 1875. Son mandat sera toutefois de courte durée, puisqu'il va quitter l'archipel avec sa famille le 21 novembre 1877 sur le vapeur Curlew. A Saint-Jean de Terre-Neuve, ils embarquent sur un paquebot à destination de Londres.  Après un court séjour à Saint-Malo, ils s'établissent à Paris, 10, rue de la Chaussée d'Antin. [6]


SS Curlew, avant 1926 [7]

La multitude des fonctions de François Jacques Mazier lui vaudra d'être nommé, par décret du 21 août 1874, chevalier de la Légion d'honneur, tout comme son fils vingt ans plus tard, le 1er août 1894.




Paul-Aristide: le fils

Quelques jours avant le départ en Métropole de son père, son fils aîné Paul-Aristide épouse, le 15 novembre 1877, Marie Eugénie Cécile Léonie Talvande. Fille d'un commerçant malouin établi dans l'archipel depuis les années 1845-50,  elle est née à Saint-Pierre le 22 septembre 1857. [8] Le couple aura trois enfants: Marie-Caroline, le 13 novembre 1878, Paul, le 4 décembre 1880, et Fernand, le 12 avril 1882. Ces deux derniers se marieront  à la Mairie du XVIIe arrondissement de Paris, respectivement le 10 octobre 1909 et le 30 mai 1914, tous deux avec des demoiselles Clément. [9]

La carrière politique de Paul-Aristide Mazier commence en 1881. Élu conseiller municipal le 24 avril, il devient maire le 25 juillet de l'année suivante. Il sera réélu tour à tour le 13 mai 1888, le 22 novembre 1889 et le 16 mai 1892.

En 1885,  il est élu à la tête du Conseil général. L'organisme vient d'être créé par décret du 2 avril de la même année. La séance inaugurale, le 17 août, revêt un faste particulier et se déroule dans la grande salle d'audience du Palais de justice, décorée pour l'occasion. 

Aux élections partielles d'avril 1888, Paul Mazier est réélu au second tour, Jacques Dupont prenant la présidence du Conseil général. Il retrouve son siège en 1891 et en 1894. Malgré les accusations de favoritisme à l'endroit de certains entrepreneurs et fournisseurs de la commune, allégations relayées par le gouverneur de l'époque, il retrouve la présidence du Conseil général en 1896, la nouvelle équipe faisant bloc autour de sa forte personnalité. Mais ce succès sera de courte durée, car l'assemblée locale est dissoute l'année suivante. En 1895 déjà, en créant quatre circonscriptions pour Saint-Pierre, l'Etat avait cherché à affaiblir le Conseil général, dont la plupart des membres siégeait également au Conseil municipal. Il faudra attendre 1945 pour assister au rétablissement des communes et l'année suivante pour voir celui du Conseil général. [10]


La rue Paul Mazier 

après l'incendie de La Roncière (11 novembre 1972)

Collection privée

Tout comme son père avant lui, Paul-Aristide Mazier  multiplia les responsabilités: Président du Bureau de bienfaisance, de la Caisse d'Epargne, de la Commission des patentes et de l'impôt, du Conseil d'hygiène. Il siégea également quatre ans au Tribunal de commerce. En 1891, à sa création, il intègre le Comité consultatif de l'instruction publique, chargé de donner son avis à l'Administration et au Conseil général sur les questions d'éducation. 

C'est sous la mandature de Paul-Aristide Mazier qu'ont été construits tous les quais de soutènement bordant la partie nord du Barachois ainsi que deux cales, que des conduites d'eau ont été mises en place rue Jacques Cartier et de la Poudrière (future rue Léon Leborgne puis Marcel Bonin). Il coordonna à de nombreuses reprises les opérations de secours lors d'incendies. Il fut aussi vice-consul d'Espagne à compter du 25 octobre 1876, et ce jusqu'en 1909. [11]

Dans ses doubles fonctions de Maire de Saint-Pierre et de Président du Conseil général, cumul qui dut faciliter les démarches, notamment pour boucler le budget, il a grandement contribué à la construction de la nouvelle école des Frères de Ploërmel sur le site de l'ancien cimetière désaffecté depuis 1858. Édifice en bois de 60 mètres de long sur 15 de large, il a dominé le centre-ville de Saint-Pierre jusqu'en 1974. Les travaux durèrent deux ans et les Frères de Ploërmel  y entrèrent le 18 avril 1891. [12]

En 1906, il brigue une seconde fois le poste de Délégué au Conseil supérieur des Colonies, mais est battu par Louis Légasse, titulaire du poste. Nous sommes dans un contexte de crise économique profonde qui pousse de nombreuses familles à émigrer au Canada ou aux Etats-Unis et même certains à prôner le rattachement de l'archipel aux Etats-Unis... et la candidature de Théodore Roosevelt Jr à ce poste.

Paul-Aristide Mazier prend, la même année, la présidence du Syndicats des armateurs et siège au Tribunal criminel (l'équivalent local de la cour d'Assises) comme assesseur.

S'il réside toujours quai de la Roncière fin 1907 [13], il semble avoir quitté l'archipel peu après. Le contexte économique et politique dans l'archipel n'est sans doute pas étranger à son départ: crise profonde de la pêche, conflit de l'école libre et rapports pour le moins tendus entre adversaires politiques, qui en venaient parfois aux mains, voire aux armes. Qu'on en juge par les échanges au vitriol par Vigie et Réveil Saint-Pierrais interposés. [14] C'est d'ailleurs un article paru le 31 août 1907 intitulé Honneur et Prestige qui fut cause d'un duel au Skating Rink, le 25 septembre de la même année, entre le Dr Dupuy-Fromy et le maire Mazier. Ce dernier fut légèrement blessé et le combat cessa aussitôt.

Paul-Aristide Mazier décédera à Paris le 13 décembre 1912. [15]

Son fils, Paul Eugène, qui s'était marié à Paris le 10 octobre 1909 à la Mairie du XVIIe arrondissement à Henriette Jeanne Clément (1890-1974) a eu trois enfants en France. Puis le couple s'est établi en Nouvelle-Écosse à Hectanooga, dans le comté de Digby, au sud-ouest de la province. Trois autres enfants y naîtront. [16] Paul Eugène est décédé en 1951 et son épouse en 1974. Ils reposent dans le cimetière d'Hectanagoo.



La tombe de Paul-Eugène Mazier, fils de Paul-Aristide,

 et de son épouse Henriette Jeanne Clément

au cimetière d'Hectanooga (Nouvelle-Ecosse)

Source: https://claretownship.ca/?gm-jump=hg100058 




                                                                                Michel Le Carduner, mai 2021



Notes


[1] voir Echo des caps, juin 1984, pp. 19-21.

[2] www.musee-heritage.fr/about/about.html

[3] On aperçoit, sur la gauche du bâtiment, les deux pavillons d'entrée détruits lors des travaux d'agrandissement de 1927.

[4] Base Lénore Dossier LH/1812/10

[5] Rodrigue Girardin, 120 ans de municipalités, 1 janvier 1999, https://www.saintpierreetmiquelon.net/1011999-120-anss-de-municipalites/

[6] Rose-Marie Reux, François Mazier, Premier maire de Saint-Pierre-de-Terre-Neuve, dans L'Etat et vous, Numéro 60, septembre 2013 et Numéro 61, janvier 2014.

[7] The SS Curlew transported mail and passengers along the Newfoundland and Labrador coast in the 2nd half of the 19th century. Photographer unknown. Reproduced by permission of Archives and Special Collections (Coll 137 24,02,009) Queen Elizabeth II Library, Memoral University of Newfoundland, St John's, NL

Source:https://www.heritage.nf.ca/articles/society/19th-communications-transportations.php 

[8] E. Sasco, Joseph Lehuenen, Ephémérides de Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Pierre, Imprimerie du Gouvernement, 1970.

[9] Registres d'état civil, Mairie de Saint-Pierre

[10] Dominique Guillaume, Saint-Pierre et Miquelon, Du commandement de la colonie au Conseil général de la Collectivité, 1844-1994, Gescom SARL, mars 1995.

[11] Base Lénore Dossier LH/1812/17

[12] Alice Reux-Bonin, 1819-1919 Un siècle d'enseignement à Saint-Pierre et Miquelon, Nonancourt, Farvacque S.A., janvier 1987.

[13] Recensement de la population, 17 novembre 1907, Archives SC 3289.

[14] www.arche-musee-et-archives.net

[15] Dominique Guillaume, op. cit., page 499.

16] Source: Patricia Mazier, petite fille de Paul Eugène François Georges Mazier


vendredi 7 mai 2021

Joseph Louis Michel Brue

(Ile Maurice, 16 mars 1782 - Saint-Servan, 17 février 1843)



 La rue Brue, depuis la rue du Dr Dunan 
(Cliché de l'auteur, 16 janvier 2020) 
 

                    Joseph Louis Michel Brue du Garroutier est né à l'île Maurice le 16 mars 1782, dans le village de Moka, situé au nord-ouest de l'île, qui s'appelait alors, et jusqu'en 1814, l'Isle de France. Occupée par les Français à partir de 1715, elle est conquise par les Anglais en 1810, possession confirmée par le Traité de Paris de 1814. L'Isle de France devient alors l'île Maurice.



Ancienne carte de l'île Maurice [1]


        Le père de Joseph Louis, Joseph Brue du Garroutier, est originaire de La Ciotat dans les Bouches-du-Rhône. Il  épouse à Moka, le 13 avril 1779,  Magdeleine Caron de Bergicourt, native de l'île Maurice, tout comme sa mère, Jeanne Genu. Ils auront deux garçons. Jean-Louis, l' aîné de deux ans de Joseph Louis,  s'illustrera comme général de la Révolution et de l'Empire.
                    Le couple se séparera et Magdeleine Caron de Bergicourt épousera en secondes noces Pierre Le Lièvre, fin décembre 1797. Leur fille, Marie Jeanne Ernestine, sera, avec le frère aîné de Joseph Louis, les seuls héritiers de ce dernier. [2] 
                      Son frère cadet de deux ans, Jean-Louis, s'illustrera comme général de la Révolution et de l'Empire. 

Une carrière d'officier de marine

                 Nous sommes au printemps 1801. Nicolas Baudin fait escale avec les deux navires de l'expédition qui doit le mener vers les terres australes. Joseph Brue a dix-huit ans. Il embarque comme aspirant de première classe sur Le Naturaliste, qui quitte l'île de France le 25 avril, après 36 jours de relâche. A l'escale de Timor, le 29 octobre 1801, Joseph Brue passe à bord du Géographe, avant de retourner sur le premier à Port Jackson en Australie, le 3 novembre 1802. 


Le Géographe et Le Naturaliste [3] 


                     Partie du Havre le 19 octobre 1800, l'expédition, qui devait coûter la vie à son commandant en 1803, mort de la tuberculose à l'île Maurice, permit aux nombreux scientifiques qui la composaient, de décrire de nombreux territoires et populations australes. La carte de Freycinet (1811) sera la première carte complète d'Australie.
                             La carrière militaire de Joseph Brue va se poursuivre. En 1812, il est nommé colonel du 46 e régiment d'infanterie de ligne. Il sera blessé le 17 août de la même année.
                            Le 4 mai 1813, il est promu chevalier dans l'ordre de la Légion d'honneur, puis officier le 2 novembre 1814. 
                         De retour dans son île natale, Joseph Brue épouse, le 13 mars 1816, Gertrude Julienne Le Juge de Segrais, née elle aussi à l'Île de France le 8 septembre 1789. Elle y décédera le 23 novembre 1826, à Port-Louis, à l'âge de 37 ans.
                      Joseph Brue obtient un congé en 1819 pour retourner dans son île pour affaires familiales.

Commandant des îles Saint-Pierre et Miquelon

                     C'est par ordonnance royale du 20 mars 1828, que l'ancien chef de bataillon, capitaine de frégate honoraire Joseph Brue est nommé commandant des îles Saint-Pierre et Miquelon. Il arrive à Saint-Pierre le 27 mai de la même année sur le transport Chameau. Installé dans ses fonctions par Monsieur Brou, inspecteur supérieur dans les îles, il succède au commandant Borius. Il exercera ces fonctions du 28 mai 1828 au 9 septembre 1839. 
                La gabarre Chameau, accompagnée de la Cérès, commandant la Station navale de Terre-Neuve, et de deux goélettes, La Béarnaise et La Mésange, avait quitté Brest le 28 avril. A bord de La Cérès se trouvait Eugène Ney (1808-1845), le troisième fils du maréchal de France Michel Ney (1769-1815). Il quittera Saint-Pierre le 5 juin à bord de La Cérès pour se rendre au Croc, au nord-est de Terre-Neuve. [4] Il relatera ce voyage et son passage à Saint-Pierre dans un récit autobiographique, Voyage en Amérique paru en 1831.

                     Quand le commandant Brue prend le commandement des îles, celles-ci n'ont été rendues à la France qu'une douzaine d'années plus tôt. En 1825, on compte sur les graves de Saint-Pierre 45 maisons et magasins et dans le bourg proprement dit, 49 maisons élevées depuis 1819. 
                 Si l'attention de l'Etat français est focalisée sur les résultats de la pêche, il multiplie dans le même temps les initiatives afin de rendre la population autonome le plus rapidement possible sur le plan alimentaire. D'où la présence, dès l'année 1819, d'un jardinier du roi, dont le poste sera toutefois supprimé en 1826. Un cultivateur le remplacera en 1831. 
             En 1987, le Service de l'agriculture, dans un fascicule intitulé L'agriculture aux îles Saint-Pierre et Miquelon de 1763 à 1923, a rassemblé un certain nombre de documents d'archives attestant des efforts fournis en ce sens, notamment par le commandant Brue. 
                 Les graines potagères que celui-ci avait emportées avec lui sur le  Chameau  furent semées, et malgré la date tardive, donnèrent d'excellents résultats.
                 Le 28 septembre de la même année, le Conseil du gouvernement et d'administration met à la disposition du commandant Brue une somme de 2 000 francs pour être distribuée à titre d'avance aux cultivateurs, pour les encourager à intensifier la culture des légumes et l'élevage des bestiaux afin que la colonie puisse s'approvisionner sans avoir recours à l'étranger. 
               A cette date, à Miquelon, pour un total de 66 familles composées de quatre membres en moyenne, on dénombrait 77 jardins potagers, 80 bêtes à cornes, 208 moutons et chèvres.
                 Le 1er mars 1829, le commandant Brue écrit au ministre des Colonies:

         « Malgré la répugnance des habitants de ces îles pour la culture, j'ai réussi à faire planter quelques terrains aux deux Miquelon. Le résultat a surpassé toutes mes espérances, et Votre Excellence s'en convaincra en apprenant que pour premier essai, nous avons récolté 600 quarts de pommes de terre, 100 quarts de carottes, 600 quarts de navets, 16 000 choux, le tout d'aussi belle et bonne qualité que nos meilleurs de France. [5] 
             Il y avait en 1828, dans les deux îles 507 têtes de bétail, gros et petit. Ce nombre se réduit à 365 au 1er janvier 1829. Il ne faut pas en conclure que « l'éducation des bestiaux » ne doit pas être suivie puisque pendant l'année 200 bêtes ont été abattues, pour alimenter les habitants. Je fais remarquer que les habitants ne se servent point encore des bœufs pour labourer, ne conservant que les vaches et abattant les mâles.» 

                    En 1831, on a semé à Miquelon du lin et de l'orge, rendus à maturité à la fin août. Quelques plants d'avoine et de blé noir ont prospéré aussi et des échantillons ont été envoyés en Métropole pour analyse. [6]
                 Cette même année est créée la ferme de la Belle Croix par François Aubert.[7]
               A la campagne de pêche faste de 1830 fait suite, l'année suivante, une épidémie qui cause de nombreux décès et des carences en denrées de base, obligeant à se fournir en farine aux Etats-Unis. La période est aussi marquée par des tensions avec les autorités anglaises au sujet de l'approvisionnement en appâts des pêcheurs locaux à Terre-Neuve. Le 20 novembre 1837, le gouvernement de Terre-Neuve interdit notamment aux pêcheurs de l'archipel d'aller pêcher le capelan sur les côtes de la grande île et interdit aux Terre-Neuviens de vendre du bois de chauffage à Saint-Pierre et Miquelon.
                 Le 12 avril 1831, le commandant Brue avise le ministère qu'il a découvert à Langlade quelques veines de terre propre à faire de la poterie et des briques. Les essais faits par M. Dibarboure, fermier, sont concluants  et les briques et carreaux confectionnés sont reconnus de première qualité. 
                     Le 10 mars 1837 s'achève la construction du pont de Miquelon entreprise au début du mois précédent. Sur le désir exprimé par M. le Commandant Brue, ce pont portera le nom de port Richard, en l'honneur du doyen des habitants de Miquelon. Son achèvement met un terme au projet de construction d'un port dans le Grand Etang de Miquelon, souhaité par les différents gouverneurs, du commandant Bourrilhon au commandant Brue. [8]


Signature du commandant Brue
sur l'acte de naissance de Joséphine Henriette Duhamel en date du 27 avril 1830
Seconde épouse de Ange Simon Gautier


                 C'est sous l'administration du commandant Brue qu'est organisée la Justice dans l'archipel (ordonnance royale du 26 juillet 1833) et que le premier trésorier-payeur, M. Renaud, prend ses fonctions (6 août 1838).
                     Le 27 décembre 1838, le commandant Brue demande son admission à la retraite. 
                 Le 8 septembre 1839, le successeur du commandant Brue, M. Mamyneau, arrive à Saint-Pierre. La passation de pouvoir a lieu deux jours plus tard. Le 15 septembre, le commandant Brue quitte l'archipel sur le navire de commerce Saint-Louis
                 Après un peu plus de dix ans dans l'archipel, la plus longue administration depuis 1816, Joseph Brue rentre en France et s'établit, dès la fin de l'année 1839, à Saint-Servan, près de Saint-Malo. C'est là qu'il s'éteint le 17 février 1843 à l'âge de 60 ans. 
                     C'est vers 1865 qu'une rue de Saint-Pierre prit son nom, puisqu'on la retrouve ainsi nommée lors d'une concession de terrain en 1863. Partant de la rue Ange Gautier, elle contourne le terrain de l'ASSP pour partir en direction du nord-ouest et rejoindre la route de l'Anse à Pierre. 



Portion de la rue Brue longeant le mur sud 
du terrain de football de l'ASSP.
(Cliché de l'auteur, 16 janvier 2020)


                                                                                                                                
                                                                                                    Michel Le Carduner

                                                                                                               mai 2021



Notes

[1] Source : http://www.carte-du-monde.net/pays-1783-ancienne-carte-maurice.html 
[2] Source : Ministère de la Culture, base Lénore, dossier LH/377/55             http://www2.culture.gouv.fr/LH/LH029/PG/FRDAFAN83_OL0377055v002.htm 
[3] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Brue 
[4] Ronald Rompkey, Terre-Neuve Anthologie des voyageurs français 1814-1914, Presses    Universitaires de Rennes, 2004, page 67.
[5] Le quart (de boisseau) est une mesure ancienne de matières sèches correspondant à 3,174 litres. Le boisseau, mesure la plus utilisée pour les grains (blé, avoine, sègle) ou pour le sel, le charbon de terre ou le charbon de bois. Le boisseau de Paris correspondait à 13  litres.
     Source : https://www.histoire-genealogie.com/Les-poids-et-mesures 
[6] Philippe Rebel, L'agriculture aux îles Saint-Pierre et Miquelon de 1763 à 1923, Service de l'Agriculture, 1987.
[7] Rodrigue Girardin, Bernard Quélennec, Miquelon Langlade en passant par la dune, 1997, page 230
[8] Emile Sasco, Joseph Lehuenen,  Ephémérides des Iles Saint-Pierre et Miquelon, Imprimerie du Gouvernement, 1970.



 Rue du Petit chemin de fer  Cliché de l'auteur La France a, on le sait, délaissé depuis des décennies le transport de marchandises...