vendredi 7 mai 2021

Joseph Louis Michel Brue

(Ile Maurice, 16 mars 1782 - Saint-Servan, 17 février 1843)



 La rue Brue, depuis la rue du Dr Dunan 
(Cliché de l'auteur, 16 janvier 2020) 
 

                    Joseph Louis Michel Brue du Garroutier est né à l'île Maurice le 16 mars 1782, dans le village de Moka, situé au nord-ouest de l'île, qui s'appelait alors, et jusqu'en 1814, l'Isle de France. Occupée par les Français à partir de 1715, elle est conquise par les Anglais en 1810, possession confirmée par le Traité de Paris de 1814. L'Isle de France devient alors l'île Maurice.



Ancienne carte de l'île Maurice [1]


        Le père de Joseph Louis, Joseph Brue du Garroutier, est originaire de La Ciotat dans les Bouches-du-Rhône. Il  épouse à Moka, le 13 avril 1779,  Magdeleine Caron de Bergicourt, native de l'île Maurice, tout comme sa mère, Jeanne Genu. Ils auront deux garçons. Jean-Louis, l' aîné de deux ans de Joseph Louis,  s'illustrera comme général de la Révolution et de l'Empire.
                    Le couple se séparera et Magdeleine Caron de Bergicourt épousera en secondes noces Pierre Le Lièvre, fin décembre 1797. Leur fille, Marie Jeanne Ernestine, sera, avec le frère aîné de Joseph Louis, les seuls héritiers de ce dernier. [2] 
                      Son frère cadet de deux ans, Jean-Louis, s'illustrera comme général de la Révolution et de l'Empire. 

Une carrière d'officier de marine

                 Nous sommes au printemps 1801. Nicolas Baudin fait escale avec les deux navires de l'expédition qui doit le mener vers les terres australes. Joseph Brue a dix-huit ans. Il embarque comme aspirant de première classe sur Le Naturaliste, qui quitte l'île de France le 25 avril, après 36 jours de relâche. A l'escale de Timor, le 29 octobre 1801, Joseph Brue passe à bord du Géographe, avant de retourner sur le premier à Port Jackson en Australie, le 3 novembre 1802. 


Le Géographe et Le Naturaliste [3] 


                     Partie du Havre le 19 octobre 1800, l'expédition, qui devait coûter la vie à son commandant en 1803, mort de la tuberculose à l'île Maurice, permit aux nombreux scientifiques qui la composaient, de décrire de nombreux territoires et populations australes. La carte de Freycinet (1811) sera la première carte complète d'Australie.
                             La carrière militaire de Joseph Brue va se poursuivre. En 1812, il est nommé colonel du 46 e régiment d'infanterie de ligne. Il sera blessé le 17 août de la même année.
                            Le 4 mai 1813, il est promu chevalier dans l'ordre de la Légion d'honneur, puis officier le 2 novembre 1814. 
                         De retour dans son île natale, Joseph Brue épouse, le 13 mars 1816, Gertrude Julienne Le Juge de Segrais, née elle aussi à l'Île de France le 8 septembre 1789. Elle y décédera le 23 novembre 1826, à Port-Louis, à l'âge de 37 ans.
                      Joseph Brue obtient un congé en 1819 pour retourner dans son île pour affaires familiales.

Commandant des îles Saint-Pierre et Miquelon

                     C'est par ordonnance royale du 20 mars 1828, que l'ancien chef de bataillon, capitaine de frégate honoraire Joseph Brue est nommé commandant des îles Saint-Pierre et Miquelon. Il arrive à Saint-Pierre le 27 mai de la même année sur le transport Chameau. Installé dans ses fonctions par Monsieur Brou, inspecteur supérieur dans les îles, il succède au commandant Borius. Il exercera ces fonctions du 28 mai 1828 au 9 septembre 1839. 
                La gabarre Chameau, accompagnée de la Cérès, commandant la Station navale de Terre-Neuve, et de deux goélettes, La Béarnaise et La Mésange, avait quitté Brest le 28 avril. A bord de La Cérès se trouvait Eugène Ney (1808-1845), le troisième fils du maréchal de France Michel Ney (1769-1815). Il quittera Saint-Pierre le 5 juin à bord de La Cérès pour se rendre au Croc, au nord-est de Terre-Neuve. [4] Il relatera ce voyage et son passage à Saint-Pierre dans un récit autobiographique, Voyage en Amérique paru en 1831.

                     Quand le commandant Brue prend le commandement des îles, celles-ci n'ont été rendues à la France qu'une douzaine d'années plus tôt. En 1825, on compte sur les graves de Saint-Pierre 45 maisons et magasins et dans le bourg proprement dit, 49 maisons élevées depuis 1819. 
                 Si l'attention de l'Etat français est focalisée sur les résultats de la pêche, il multiplie dans le même temps les initiatives afin de rendre la population autonome le plus rapidement possible sur le plan alimentaire. D'où la présence, dès l'année 1819, d'un jardinier du roi, dont le poste sera toutefois supprimé en 1826. Un cultivateur le remplacera en 1831. 
             En 1987, le Service de l'agriculture, dans un fascicule intitulé L'agriculture aux îles Saint-Pierre et Miquelon de 1763 à 1923, a rassemblé un certain nombre de documents d'archives attestant des efforts fournis en ce sens, notamment par le commandant Brue. 
                 Les graines potagères que celui-ci avait emportées avec lui sur le  Chameau  furent semées, et malgré la date tardive, donnèrent d'excellents résultats.
                 Le 28 septembre de la même année, le Conseil du gouvernement et d'administration met à la disposition du commandant Brue une somme de 2 000 francs pour être distribuée à titre d'avance aux cultivateurs, pour les encourager à intensifier la culture des légumes et l'élevage des bestiaux afin que la colonie puisse s'approvisionner sans avoir recours à l'étranger. 
               A cette date, à Miquelon, pour un total de 66 familles composées de quatre membres en moyenne, on dénombrait 77 jardins potagers, 80 bêtes à cornes, 208 moutons et chèvres.
                 Le 1er mars 1829, le commandant Brue écrit au ministre des Colonies:

         « Malgré la répugnance des habitants de ces îles pour la culture, j'ai réussi à faire planter quelques terrains aux deux Miquelon. Le résultat a surpassé toutes mes espérances, et Votre Excellence s'en convaincra en apprenant que pour premier essai, nous avons récolté 600 quarts de pommes de terre, 100 quarts de carottes, 600 quarts de navets, 16 000 choux, le tout d'aussi belle et bonne qualité que nos meilleurs de France. [5] 
             Il y avait en 1828, dans les deux îles 507 têtes de bétail, gros et petit. Ce nombre se réduit à 365 au 1er janvier 1829. Il ne faut pas en conclure que « l'éducation des bestiaux » ne doit pas être suivie puisque pendant l'année 200 bêtes ont été abattues, pour alimenter les habitants. Je fais remarquer que les habitants ne se servent point encore des bœufs pour labourer, ne conservant que les vaches et abattant les mâles.» 

                    En 1831, on a semé à Miquelon du lin et de l'orge, rendus à maturité à la fin août. Quelques plants d'avoine et de blé noir ont prospéré aussi et des échantillons ont été envoyés en Métropole pour analyse. [6]
                 Cette même année est créée la ferme de la Belle Croix par François Aubert.[7]
               A la campagne de pêche faste de 1830 fait suite, l'année suivante, une épidémie qui cause de nombreux décès et des carences en denrées de base, obligeant à se fournir en farine aux Etats-Unis. La période est aussi marquée par des tensions avec les autorités anglaises au sujet de l'approvisionnement en appâts des pêcheurs locaux à Terre-Neuve. Le 20 novembre 1837, le gouvernement de Terre-Neuve interdit notamment aux pêcheurs de l'archipel d'aller pêcher le capelan sur les côtes de la grande île et interdit aux Terre-Neuviens de vendre du bois de chauffage à Saint-Pierre et Miquelon.
                 Le 12 avril 1831, le commandant Brue avise le ministère qu'il a découvert à Langlade quelques veines de terre propre à faire de la poterie et des briques. Les essais faits par M. Dibarboure, fermier, sont concluants  et les briques et carreaux confectionnés sont reconnus de première qualité. 
                     Le 10 mars 1837 s'achève la construction du pont de Miquelon entreprise au début du mois précédent. Sur le désir exprimé par M. le Commandant Brue, ce pont portera le nom de port Richard, en l'honneur du doyen des habitants de Miquelon. Son achèvement met un terme au projet de construction d'un port dans le Grand Etang de Miquelon, souhaité par les différents gouverneurs, du commandant Bourrilhon au commandant Brue. [8]


Signature du commandant Brue
sur l'acte de naissance de Joséphine Henriette Duhamel en date du 27 avril 1830
Seconde épouse de Ange Simon Gautier


                 C'est sous l'administration du commandant Brue qu'est organisée la Justice dans l'archipel (ordonnance royale du 26 juillet 1833) et que le premier trésorier-payeur, M. Renaud, prend ses fonctions (6 août 1838).
                     Le 27 décembre 1838, le commandant Brue demande son admission à la retraite. 
                 Le 8 septembre 1839, le successeur du commandant Brue, M. Mamyneau, arrive à Saint-Pierre. La passation de pouvoir a lieu deux jours plus tard. Le 15 septembre, le commandant Brue quitte l'archipel sur le navire de commerce Saint-Louis
                 Après un peu plus de dix ans dans l'archipel, la plus longue administration depuis 1816, Joseph Brue rentre en France et s'établit, dès la fin de l'année 1839, à Saint-Servan, près de Saint-Malo. C'est là qu'il s'éteint le 17 février 1843 à l'âge de 60 ans. 
                     C'est vers 1865 qu'une rue de Saint-Pierre prit son nom, puisqu'on la retrouve ainsi nommée lors d'une concession de terrain en 1863. Partant de la rue Ange Gautier, elle contourne le terrain de l'ASSP pour partir en direction du nord-ouest et rejoindre la route de l'Anse à Pierre. 



Portion de la rue Brue longeant le mur sud 
du terrain de football de l'ASSP.
(Cliché de l'auteur, 16 janvier 2020)


                                                                                                                                
                                                                                                    Michel Le Carduner

                                                                                                               mai 2021



Notes

[1] Source : http://www.carte-du-monde.net/pays-1783-ancienne-carte-maurice.html 
[2] Source : Ministère de la Culture, base Lénore, dossier LH/377/55             http://www2.culture.gouv.fr/LH/LH029/PG/FRDAFAN83_OL0377055v002.htm 
[3] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Brue 
[4] Ronald Rompkey, Terre-Neuve Anthologie des voyageurs français 1814-1914, Presses    Universitaires de Rennes, 2004, page 67.
[5] Le quart (de boisseau) est une mesure ancienne de matières sèches correspondant à 3,174 litres. Le boisseau, mesure la plus utilisée pour les grains (blé, avoine, sègle) ou pour le sel, le charbon de terre ou le charbon de bois. Le boisseau de Paris correspondait à 13  litres.
     Source : https://www.histoire-genealogie.com/Les-poids-et-mesures 
[6] Philippe Rebel, L'agriculture aux îles Saint-Pierre et Miquelon de 1763 à 1923, Service de l'Agriculture, 1987.
[7] Rodrigue Girardin, Bernard Quélennec, Miquelon Langlade en passant par la dune, 1997, page 230
[8] Emile Sasco, Joseph Lehuenen,  Ephémérides des Iles Saint-Pierre et Miquelon, Imprimerie du Gouvernement, 1970.



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